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19 avril 2007

I - L'âme

I. L’âme :

Selon le dictionnaire Le Robert, l’âme, est l’« ensemble des fonctions psychiques et des états de conscience ; la personne, l’être, l’individualité, le moi. ». Ce que nous appelons âme, c’est ce qui nous anime, ce qui nous meut ou nous émeut.

Nous avons choisi de nous intéresser à l’âme car l’espace de la salle des autoportraits nous plonge dans l’obscurité, prédisposant à un regard intérieur. La disposition des cimaises crée un mouvement, comme si l’on était à l’intérieur de l’esprit d’Artaud. « L’exposition s’ouvre sur le visage d’Artaud. Ce préambule a pour but de ménager le face à face du visiteur et d’Artaud sans autre intermédiaire que celui de l’émotion. Il invite à un parcours basé sur la proximité avec le poète, alter ego du visiteur. » (Dossier de Presse).

Des sons, tirés des Cenci, créent une ambiance caverneuse. Nous sommes plongés dans l’expression des visages d’Artaud. « Nous ressentons le visage comme le symbole non seulement de l’esprit, mais de l’esprit en tant que personnalité à nulle autre pareille. » (Simmel).

Les dessins d’Artaud montrent une sensibilité du trait, une ligne toujours en mouvement, un coup de crayon nerveux qui semble trancher les têtes, comme des « expressions du visage prises à l’état de masques » (Artaud) Et, lorsqu’il y a des corps, ils sont soit morcelés soit disproportionnés, donnant à l’expression des visages une importance plus grande.

« Dans le visage […] ces agitations qui caractérisent un individu : haine ou anxiété, sourire de mansuétude ou recherche inquiète d’un profit, et bien d’autres encore – impriment des traits qui demeurent ; l’expression contenue dans le mouvement se dépose ici seulement, en tant qu’expression du caractère permanent. […] Le visage est le seul à devenir pour ainsi dire le lieu géométrique de la personnalité intime […] »

(Souriau)

Le visage est en quelque sorte le lieu sur lequel l’âme, les expressions de l’âme se reflètent. C’est un mouvement intense, interne, qui se transmet dans le trait du dessinateur, jusque sur la toile, pour la faire frémir. Dans le portrait ou l’autoportrait, il y a échange de regard entre le peintre et sa peinture, et entre cette peinture et le spectateur. Ce mouvement de l’âme fait alors vibrer à la fois l’œuvre et le spectateur. C’est ce que l’on peut appeler notre théâtre intérieur. La confrontation avec le tableau crée chez nous une imagerie mentale. On associe les sentiments traduits dans l’œuvre à des sentiments qui nous sont propres, même si nous ne les identifions pas toujours avec des mots.

« Ecriture, peinture, musique, théâtre, sont des moyens divers de faire surgir ce qu’il y a d’enfoui et de grave au fond de nous-même, de le ressortir au jour et de s’efforcer de le rendre perceptible. »

(Artaud)

Ces mouvements de l’âme engendrent une inquiétude, accentuée par ce face à face avec ces visages/masques, que l’on pourrait rapprocher, en particulier chez Artaud, d’un masque post mortem.

Lorsque Artaud compose son dessin, il place généralement le visage assez haut, seul, « parfois sans cou, parfois avec le cou, comme tranché du torse. » Son esprit de plus en plus brouillé finit par transparaître dans son œuvre, dans sa manière de dessiner, en burinant avec rage le papier, laissant transparaître une intériorité douloureuse et problématique. « Les autoportraits de la maturité expriment sans détour l’expérience de la souffrance et l’évidence de la condition mortelle, marquée par l’expérience de l’asile. » (Dossier de presse) Dans l’évolution des autoportraits, on sent l’action du temps qui passe, qui marque les visages à tel point qu’à la fin, ils deviennent presque monstrueux.

Dans certaines traditions, les gens ne veulent pas être photographiés, filmés ou peints, de peur qu’on leur vole leur âme. « Le visage est l’objet d’une célébration qui vise à travers lui l’individu qu’il incarne aux yeux du monde. » C’est une célébration qui peut être négative (comme nous l’avons dit), ou positive, les gens aiment se montrer, montrer leurs richesses.

Le dessin fige une expression, comme un masque qui prendrait l’empreinte du visage. On retrouve cela dans les maques mortuaires de l’Egypte ancienne par exemple. Ici, les visages restent statiques. A l’inverse, chez Artaud, ils semblent être en mouvement. Ce serait, comme chez Francis Bacon, une écriture plastique d’avant la mort, une écriture torturée qui montre un désarroi, une annonce de la mort de l’âme. « Le visage humain est une force vide, un champ de mort » (Artaud). C’est ce face à face avec la mort, avec l’âme, qui nous perturbe et nous attire aussi. Ces visages seraient des passions exorcisées sur la toile. L’acte de dessiner se réfèrerait à un acte rituel, thème important chez Artaud. Chaque autoportrait serait une dépossession, un fragment de soi-même. (peyotl/rituel) On pourrait supposer que, comme au théâtre, le spectateur est touché par une sorte d’effet cathartique.

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