le visage entre ombre et lumière

Lorsqu'on pense aux portraits d'acteurs avant 1945, défilent devant nos yeux de vieilles cartes postales en noir et blanc, aux bords cornés, gardées au fond d'un tiroir plein de poussière, des photos de nos grands-mères essayant de reproduire cette expression si particulière qu'avait Marlène Dietrich dans son dernier film, une bande sur laquelle passe en boucle les beaux visages du glamour hollywoodien, les célébrités portées au rang d'îcone et immortalisées dans des chambres noires du Studio Harcourt.

Des portraits en noir et blanc, mais surtout des visages entre ombre et lumière. Le visage est durant cette période au centre de la représentation. Il est ce que l'on cherche à montrer, à valoriser. Les jeux de contrastes, la brillance ou l'opacité, le sombre et le lumineux permettent de faire jaillir le visage de son support, de le défaire de son corps pour lui donner une valeur propre. Le visage est détaché du corps, en tous les cas l'attention extrême portée sur lui donne cette impression.

Que peut on dire alors de ce visage qui se multiplie au rythme des progrès techniques qui permettent sa capture. Une foule de visages sur les affiches, dans le journal, chez soi, que l'on retrouve un soir dans une salle obscure de théâtre. Des visages déjà connus qui nous jouent différents rôles. Un accord tacite uni tous les spectateurs pour ce jeu dont les règles ont changées, on fait tous semblant de ne pas savoir à qui appartient ce visage. On le laisse filer de rôle en rôle. Ce n'est plus le masque qui se pose sur le visage de l'acteur pour lui donner l'apparence de son personnage, mais le visage de l'acteur qui tel un masque se dépose à chaque fois sur un nouveau personnage.

Enfermer les visages. Enfermer le temps et immortaliser une beauté peu expressive sur du papier qui lui vieillira.

le rapport du visage au temps,

le rapport du visage connu qui représente ou est représenté avec celui anonyme de la foule qui se presse pour le voir,

le masque comme visage et le visage comme masque,

la sur-représentation du visage jusqu'à une perte de sens.

« Ce visage là s’extériorise de plus en plus, mais il a de moins d’intériorité à extérioriser. » (Jacques Aumont).

jusqu'à la perte du visage...

Et aussi l'ombre et la lumière : Les portraits d'acteurs des années quarantes et cinquantes, en noir et blanc, jouant sur l'ombre et la lumière, sur les contrastes nous donnent un terrain tout a fait riche pour se poser des questions sur ce qui est visible et ce qui ne l'est pas, ce que l'on montre ou cache, les traits que l'on estompe ou que l'on creuse, etc. Mais le visage comme apparition, émergeant de l'obscurité.

Ce qui suit sont des citations d'ouvrages qui s'intéressent à l'ombre et à la lumière, au visage et à sa représentation. Elles sont là pour permettre de développer des pistes de réfléxion, ou de trouver des réponses à des interrogations.

nous nous interessons au visage glamour, à la beauté parfaite, inexpressive qui est caractéristique de ces années. La question se pose, est ce toujours un portrait ?

"La beauté n’y sera plus celle, abstraite et froide, de la photographie, encore moins celle, fabriquée et menteuse, du glamour, mais une beauté personnelle intérieure, véritable reflet de l’âme. " Jacques Aumont, Du visage au cinéma, Paris. Cahiers du Cinéma

"L’ombre est la manifestation, par les corps, de leurs formes. Les formes des corps ne manifesteraient pas leurs particularités sans l’ombre. " Max Milner, L'envers du visible : essai sur l'ombre. Paris. Ed. du Seuil. 2005.